Entreprises adaptées : la crise sanitaire, vectrice de transformation

Gestion d'entreprise
Sylvain Couthier

Tribune signée par Sylvain Couthier, président de l’entreprise adaptée ATF Gaia et VP de l’Unea 

« Adaptées » à leurs collaborateurs en situation de handicap, les entreprises adaptées le sont aussi à leurs marchés et leurs fluctuations, parfois très fortes comme lors de l’actuelle crise sanitaire. 
Une crise qui les a poussées à accélérer leur transformation vers un nouveau modèle d’avenir : l’entreprise socialement inclusive.

L’entreprise adaptée face à la crise sanitaire

Résultant de la crise sanitaire, le confinement strict du printemps 2020 a touché de plein fouet les entreprises adaptées. Et ce d’autant plus qu’elles emploient, par définition, des personnes en situation de handicap, entrant dans la définition des personnes « vulnérables », qu’il s’agissait de protéger en priorité. 

Mais cette particularité est aussi une véritable force. Car l’emploi de ces personnes en situation particulière conduit ces entreprises à gérer de façon habituelle des difficultés d’organisation. Elles sont donc bien souvent, encore plus que les autres, capables d’adaptation, de réactivité et de résilience, quelle que soit la situation.

Une capacité, sans être leur prérogative exclusive bien sûr, qui résulte également d’une taille moyenne relativement modeste : les 800 entreprises adaptées françaises comptent une moyenne de 40 salariés, les rendant d’autant plus flexibles et agiles. C’est d’ailleurs ce qu’il s’est produit au printemps : nombreuses ont été celles à ne pas hésiter à bousculer leur business model pour répondre à des besoins immédiats du marché, comme la conception de masques par exemple.

De façon générale, beaucoup d’entre elles se positionnent sur plusieurs marchés, afin de répartir les risques, tout en proposant des emplois non délocalisables. En ce sens, elles s’inscrivent ainsi parfaitement dans la stratégie d’une volonté de relocalisation de certaines productions industrielles.

De la dépense publique à l’investissement social

Outre la question des emplois locaux, qui reste évidemment fondamentale pour la dynamique économique d’un pays, cette politique de réindustrialisation et de relocalisation de la production (industrielle notamment) s’insère dans le contexte du coût environnemental du transport des productions éloignées, ainsi que de l’augmentation des coûts de production de certaines zones du globe, comme c’est le cas dans certains pays d’Asie et d’Europe centrale.

Mais au-delà des aspects purement écologiques et économiques, la crise sanitaire a aussi dévoilé toutes les limites des productions lointaines et les risques de dépendance vis-à-vis de partenaires externes. Notamment en cas de pénurie, comme l’épisode des masques de protection l’a particulièrement mis en lumière au printemps 2020.

C’est dans ce contexte, et parallèlement à l’objectif du doublement d’activité des entreprises adaptées avec le projet de 40 000 mises en emploi à horizon 2022, que l’État soutient aujourd’hui la création de 10 000 emplois relocalisés dans trois secteurs : l’industrie textile avec 2 000 emplois prévisionnels, le secteur automobile (câblage, faisceaux électriques) avec 5 000 emplois cibles et enfin le numérique, qui pourrait ainsi créer 3 000 emplois pour des personnes en situation de handicap. 

Il s’agit d’adopter ici une nouvelle trajectoire publique en matière d’accompagnement du handicap, passant d’une assistance directe aux personnes à un véritable investissement social de la sphère publique. Et notamment en simplifiant, voire en réservant, la commande publique d’achats inclusifs auprès du secteur adapté.

Objectif de l’investissement : réduire le nombre de personnes indemnisées au profit d’actifs intégrés au monde du travail et productifs, contribuant à la valeur ajoutée du pays et participant de facto aux recettes fiscales et sociales. 

La coalition économique des entreprises adaptées, des ESAT et du SIAE en consortium socialement inclusifs

Pour répondre à cet objectif, la législation a récemment été adaptée en conséquence, et notamment en faveur des petites entreprises. Lesquelles peuvent désormais créer des groupements économiques temporaires, qu’elles soient entreprises adaptées ou entreprises d’insertion, pour répondre communément à un ou plusieurs lots de marchés publics. 

Des rapprochements temporaires qui ouvrent potentiellement la voie à la création de consortiums socialement inclusifs (ESI), que l’UNEA (Union Nationale des Entreprises Adaptées) soutient, composées indifféremment de personnes en situation de handicap ou d’exclusion sociale. 

Pour y parvenir, les défis à relever et les freins à lever seront bien sûr nombreux : charge à l’État de créer les conditions favorables, aux administrations et grands donneurs d’ordre privés de donner la bonne impulsion en faisant le choix, auprès de cette nouvelle forme d’entreprises socialement inclusives, de la confiance, de la proximité et du circuit court, afin de leur offrir les débouchés et in fine les capacités d’innovation dont elles ont besoin… Vers une responsabilité universelle des achats inclusifs.

Et si la crise sanitaire était finalement l’opportunité de repenser et de sécuriser l’économie de demain ?


A propos de l’auteur

Diplômé en sciences économiques et sociales, ainsi qu’en informatique de gestion, Sylvain Couthier a commencé son parcours professionnel comme ingénieur commercial grands comptes chez Computer Associates. Il rejoint ATF en 1996 et prends la direction de l’entreprise en 2005. En 2008, il crée l’entreprise adaptée ATF Gaia. Sylvain Couthier est vice-président de l’Unea (Union Nationale des Entreprises Adaptées) et membre du réseau d’entrepreneurs CroissancePlus.